par M. BONNET
Ingénieur des Ponts & Chaussées
Attaché au Service de la Construction de la Compagnie de l'Ouest [*]
Les travaux de la ligne d'Argenteuil à Mantes ont été projetés et exécutés sous l'inspiration de MM. BLOUNT, Président du Conseil d'Administration, et MARIN, Directeur de la Compagnie, et sous la haute direction de MM. CLERC, Directeur des Travaux, MOISE, Ingénieur en chef de la Construction, et WIDMER, Ingénieur en chef adjoint.
HISTORIQUE. — La concession de la ligne d'Argenteuil à Mantes faite à la Compagnie de l'Ouest à titre éventuel par la convention du 17 juillet 1883 lui a été confirmée par une loi en date du 5 août 1885 portant déclaration d'utilité publique.
Le but principal de cette ligne est de décharger d'une partie de ses trains celle de Paris à Mantes par Poissy.
Sur cette section qui sert en effet de tronc commun aux lignes de Paris à Rouen, Dieppe et le Havre et de Paris à Trouville, Caen et Cherbourg, la circulation avait depuis longtemps atteint son maximum d'intensité et l'intercalation de trains nouveaux constituait un problème des plus difficiles. Il était devenu de toute nécessité, pour satisfaire dans de bonnes conditions les besoins sans cesse croissants du trafic et assurer d'une manière absolue la sécurité de la circulation, de doubler les voies de Paris à Mantes ou d'établir une nouvelle ligne sur la rive droite de la Seine.
C'est cette dernière solution qui prévalut : une nouvelle ligne avait l'avantage de desservir des communes qui l'étaient mal ou point du tout par l'ancienne ligne, entre autres, Cormeilles, La Frette, Herblay, Conflans-Sainte-Honorine, Maurecourt, Andrésy, Chanteloup, Triel, Vaux, Meulan, Hardricourt, Mézy, Juziers, Gargenville, Issou, Porcheville et Limay, comprenant une population nombreuse, un sol riche par ses cultures maraîchère, fruitière et agricole et par ses gisements de pierre de taille, moellons, meulières, cailloux siliceux, pierres à plâtre, etc. Cette solution avait en outre le grand avantage de procurer à la population parisienne les moyens d'étendre ses promenades et de satisfaire son besoin de villégiature, dans une contrée riante et d'aspect varié, une des plus belles incontestablement de la banlieue de Paris.
RENSEIGNEMENTS TECHNIQUES. — La ligne d'Argenteuil à Mantes a été traitée comme une ligne à grand trafic. Elle a été établie à deux voies. Le rayon minimum des courbes est de 700 mètres, sauf aux abords du raccordement d'Argenteuil où existent des courbes de 400, 500 et 560 mètres de rayon. Le maximum des déclivités est de 0m,0065 par mètre, dans le sens d'Argenteuil vers Mantes et de 0m,005 dans le sens opposé. Sur les raccordements de Pontoise on a admis une courbe de 300 mètres et une déclivité de 0m,010 par mètre.
Les ouvrages d'art sont au nombre de 124 : 83 pour le rétablissement des voies de communications et 4 pour l'écoulement des eaux.
Les passages à niveau ont été évités autant que possible ; il en existe cependant 19.
La Compagnie de l'Ouest a armé les voies principales de la ligne au moyen de rails en acier à double champignon de son nouveau type. Ces rails, dont le profil est dissymétrique (un des champignons ayant 10m/m d'épaisseur de plus que l'autre) ont 12 mètres de longueur et pèsent 44 kilogrammes par mètre courant. Ils sont posés sur 15 traverses par longueur de rail dans toutes les parties où la voie présente dans le sens du mouvement des trains qui la parcourent une rampe égale ou supérieure à 0m,005 par mètre et sur 18 traverses dans les autres parties. Les coussinets sont à larges semelles et les coins sont en acier. Le poids de la voie ressort ainsi par mètre courant à 235 kg. environ. Les voies ont été ballastées avec des cailloux siliceux provenant des ballastières ouvertes dans la vallée de la Seine à Sartrouville et à Limay et dans lesquelles les cailloux ont été séparés du sable au moyen de cribleurs mécaniques.
Les stations ont été aménagées en vue du trafic important sur lequel la Compagnie est en droit de compter, tant en voyageurs qu'en marchandises.
Entre Argenteuil et Meulan, limite de la grande banlieue, les bâtiments des voyageurs comportent des marquises sur la cour et sur le quai, une vaste salle d'attente intérieure et une salle d'été extérieure. En outre du hangar fermé et du quai découvert pour les marchandises, les stations de Triel et de Vaux possèdent chacune un quai spécial de 390 à 345 mètres de longueur pour l'embarquement de la pierre à plâtre qui s'extrait en grande quantité sur le territoire de ces communes.
Entre Meulan et Mantes, les stations sont du type ordinaire de 4e classe de la Compagnie de l'Ouest.
Toutes les stations sont pourvues d'une voie de garage descendante et d'une voie de garage montante présentant chacune une longueur utile d'environ 480 mètres.
La gare d'échange et de triage d'Argenteuil placée vers l'origine de la ligne, en communication avec le chemin de fer de Grande-Ceinture, possède, outre deux voies de circulation, 21 voies de service reliées à l'une de leurs extrémités avec les voies principales de la ligne d'Argenteuil à Mantes, et à l'autre avec celles de la Grande-Ceinture. Les voies sont disposées de façon que d'un des deux côtés le triage des wagons s'effectue par gravité.
Cette gare qui présente une superficie de 10 hectares est éclairée à l'électricité.
Trois alimentation en eau ont été établies à Argenteuil, Conflans-Sainte-Honorine et Meulan.
Le nombre des trains de toute nature (express, omnibus, marchandises directs, marchandises omnibus) qui circuleront sur la ligne d'Argenteuil à Mantes devant dépasser à certains moments de la journée cinq par heure, il a été jugé nécessaire d'établir sur la ligne le cantonnement électrique.
OUVERTURE DE LA LIGNE. — Les premiers travaux ont été adjugés le 14 Février 1888.
Le 1er Janvier 1892, les trains de marchandises étaient admis à circuler sur la nouvelle ligne.
La réception officielle avait lieu le 21 Mai 1892 et le 1er Juin 1892 la ligne était ouverte à l'exploitation.
DESCRIPTION DU TRACÉ. — La ligne qui fait suite à la ligne de Paris à Argenteuil se sépare au sortir de la station d'Argenteuil, de la ligne d'Argenteuil à Pontoise (réseau du Nord), passe sous le chemin de fer de Grande-Ceinture, puis, s'infléchissant à gauche, prend une direction à peu près parallèle à celle de ce chemin de fer, de manière à laisser, entre les deux lignes, l'espace nécessaire à l'établissement de la gare d'échange et de triage. Revenant sur la droite elle se dirige vers le bourg de Cormeilles-en-Parisis, au pied duquel est placée une station à proximité de la route nationale N° 192 à la cote 74m,20, point culminant du tracé. Elle se rapproche alors de la Seine, franchit en viaduc le ravin de la Frette, en avant duquel se trouve la halte de la Frette-Montigny, et coupe à 300 mètres environ au-dessous de la mairie, la grande rue d'Herblay sur laquelle prend naissance le chemin d'accès à la station qui dessert cette localité (cote 66,55).
Au-delà de cette station, la ligne se développe sur le plateau des Bournouviers, passe près de Chennevières et arrive à la station de Conflans-Sainte-Honorine, à l'extrémité de laquelle prennent naissance les deux branches d'un raccordement avec la ligne d'Achères à Pontoise, disposées, la première dans la direction d'Argenteuil, la seconde dans la direction de Mantes. Le tracé atteint la falaise qui borde la vallée de l'Oise, et sur laquelle est établie la halte de Fin d'Oise, franchit le chemin de fer d'Achères à Pontoise et l'Oise elle-même sur un grand viaduc à tabliers métalliques, passe près de Maurecourt qui est desservi par une halte, puis, tournant sur la gauche, vient s'établir sur le flanc des coteaux de Maurecourt et d'Andrésy, et atteint le plateau où est établie la station d'Andrésy, destinée à desservir également Denouval et les bords de la Seine d'une part, Chanteloup et l'Hautie d'autre part.
La ligne contourne ensuite le contrefort de l'Hautie, longe la route nationale N° 13 de Paris à Cherbourg, passe successivement au-dessus des bourgs Triel et de Vaux qui sont pourvus chacun d'une station et arrive à Meulan. Là elle se tient au pied des hauteurs en laissant à gauche les habitations en bordure de la route, puis s'écartant légèrement vers la droite, traverse en souterrain le coteau sur lequel est construite une partie de la ville. Elle franchit en viaduc les rivières de l'Aubette et de la Montcient et s'établit au pied des hauteurs d'Hardricourt. La station de Meulan est sise en ce point, à proximité de la route nationale N° 13 et de la route départementale N° 26 de Magny à Flins. Le tracé se poursuit le long des coteaux qui bordent la route nationale N° 13, passe près de l'église de Mézy, traverse l'agglomération de Juziers qui possède une halte, puis franchissant la route nationale N° 13 (cote 52,55) pénètre dans la vaste plaine qui s'étend entre cette route et la Seine. Deux stations y ont été placées pour desservir, l'une les bourgs de Gargenville et d'Issou, l'autre le chef-lieu de Limay.
Au sortir de cette dernière station, le chemin de fer revient sur la gauche et coupe normalement les deux bras de la Seine sur deux viaducs en maçonnerie, puis, à l'aide d'une courbe à grand rayon vient se raccorder avec la ligne de Paris au Havre en un point intermédiaire entre la gare de Mantes-Station et celle de Mantes-Embranchement.
La longueur totale de la ligne d'Argenteuil à Mantes est de 46k.886m.12.
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