“ L'Armée américaine comprend, au moment de l'armistice, un total de près de 2.100.000 hommes en France, soit 43 Divisions, d'importantes troupes d'armée, et des services de toute nature. Ces effectifs se répartissent en :
1° Trois Armées constitués, sur le front lorrain ou à proximité ;
2° Six Divisions de Dépôt et de nombreux éléments dans les centres d'instruction, camps, et écoles, disséminés en France, et deux Divisions sur le front britannique;
3° Troupes relevant des dix grands Services également disséminées en France, mais en majeure partie groupées le long des lignes de communication. ”
LE PROBLÈME DES TRANSPORTS AMÉRICAINS
“ L'histoire de l'intervention des États-Unis d'Amérique dans la grande guerre est remarquable à plus d'un titre. Mais si les exploits de leurs jeunes troupes sur les champs de bataille de France offrent, avec leur enthousiasme de croisés et leur généreuse crânerie, d'intéressants exemples militaires, n'est-il pas permis de dire que la mise en œuvre effective d'une armée de plusieurs millions d'hommes à 8.000 kilomètre de leur sol natal et de leur base nourricière est peut-être ce qui, dans l'avenir, étonnera le plus ?
Que l'on songe au formidable problème qu'a présenté à lui seul, le transport des effectifs et des approvisionnements américains au travers de ces trois étapes qui sont le continent américain, l'océan atlantique, puis le territoire français ! Que l'on se rende compte, non seulement des aspects divers et de ses dimensions gigantesques, mais aussi de ses difficultés : aux États-Unis d'abord, où le chemin de fer n'est pas préparé à pareille tâche, sur mer ensuite, avec le fret à trouver et les sous-marins allemands à écarter, en France enfin, où toutes les activités sont à plein effort et n'ont plus grand chose, semble-t-il, à offrir au nouvel arrivant !
L'étude de cette partie de l'action américaine vaut d'être faite. Elle le sera, et les précisions voulues seront un jour établies avec tableaux complexes, chiffres énormes, statistiques impressionnantes, parmi lesquels l'art militaire ne sera pas seul à trouver sa leçon. Mais, en attendant que puissent être mis au point ces grands sujets, il doit être permis de présenter une première esquisse, simple et rapide, de l'un d'entre eux : les transports américains par voie ferrée en France. Aussi bien les étapes américaines et maritime du grand voyage sont-elles essentiellement l'œuvre des Américains et de l'aide anglaise, alors que l'acheminement du wagon sur le sol français est une œuvre en bonne partie française, en tant qu'organisation et même en tant qu'exécution. À ce premier examen limité on trouvera d'abord un puissant intérêt direct : techniquement, de redoutables problèmes ont été abordés et solutionnés, et le chemin de fer, malgré d'exceptionnelles difficultés, n'a pas cessé de satisfaire à la demande du commandement et d'alimenter la bataille. Mais il nous paraît présenter un intérêt d'ordre général non moins grand, en raison de ce qu'il touche nécessairement à toutes les branches de l'activité militaire américaine et de ce que, mieux que tout autre peut-être, il permet de mesurer les dimensions considérables, dans le temps et dans l'espace, de la part des États-Unis dans la guerre.
L'étude sommaire qui va suivre tente donc l'exposé de l'acheminement, sur les lignes ferrées françaises, des troupes et approvisionnements américains de 1917 à 1919. Elle s'appuie sur des tableaux, sur des graphiques. Mais en même temps qu'elle apprécie le travail accompli et le résultat obtenu, elle cherche à faire ressortir les caractères spéciaux, les difficultés, les fluctuations. Les transports américains, répartis sur toute la France qu'ils traversent largement de l'Ouest à l'Est et du Sud au Nord, n'ont rien de commun avec les autres transports alliés.
Tandis que l'armée française s'alimente par des courants intensifs sur son front, mais généralement faibles et bien disséminés en ce qui concerne le reste du territoire, tandis que l'armée anglaise, bien groupée, opère à faible distance de ses bases et concentre ses transports dans un coin de la France et pour ainsi dire sur un seul réseau, l'armée américaine installe ses bases dans la presque totalité de nos ports et impose au chemin de fer les parcours les plus étendus sur les lignes les moins préparées. Commencé au cours de l'hiver 1917-1918, les transports américains doivent se frayer la voie au travers des réseaux de l'intérieur, moins entraînés à une exploitation intensive que les réseaux du front, sensiblement bien outillés et dont ils n'empruntent même pas, le plus souvent, les grandes artères du trafic normal. La progression, tant des effectifs que du matériel, initialement prévue et déjà considérable, s'accroît subitement, au printemps 1918, du fait des évènements militaires, au point de doubler les quantités et de dédoubler les délais. Cependant la coordination à réaliser s'étend sur un système de lignes de communication immense, à une époque où la crise du chemin de fer bat son plein, et le train américain, partant de Brest à destination de Neufchâteau, non seulement attaque un parcours d'un millier de kilomètres à couvrir en deux journées, mais encore doit franchir trois transits, cisailler de grands courants existants et en surcharger d'autres, en se pliant successivement au langage technique de quatre réseaux. ”
Le personnel. — Les locomotives. — Les wagons. — Comment le personnel des Bataillons du Transportation Corps (T. C.) est-il recruté, amené en France, et instruit des procédés de l'exploitation française ? Le principe est de constituer les unités par prélèvement sur les réseaux américains, de leur donner un minimum de cohésion et d'instruction aux États-Unis, puis de les acheminer sans tarder vers la France. C'est ainsi que le 13e Régiment du Génie, qui est expédié le premier, est constitué par six compagnies fournies chacune par un grand réseau. Cette unité d'élite, qui servira dans des conditions brillantes sur le réseau de l'Est, est groupée dès le mois de Mai 1917 et débarque à Brest en Août : deux mois ont suffi pour l'équiper et lui donner les rudiments militaires et techniques indispensables. Cependant les unités suivantes ne sont pas toutes constituées dans des conditions aussi soignées et aussi rapides, et le recrutement des Bataillons présentera, dans la suite, des inégalités sensibles.
Arrivés sur le sol français, les agent américains, que les circonstances peuvent appeler dans une région quelconque, doivent recevoir une nouvelle instruction les initiant aux règles de sécurité et de circulation des réseaux français. Alors que cette instruction technique se trouvait, aux États-Unis, toute faite, — les grands réseaux appliquant un seul et même règlement d'exploitation, — il fallait, en France, l'organiser, en rédigeant un « Extrait des Règlements généraux applicables sur les réseaux État, P.O., P.L.M., Est ». Un petit livret rouge est donc établi dans ce but, avec des textes français et anglais, et distribués aux agents. Ceux-ci sont soumis à une période d'exercices, sous la direction de moniteurs français, après quoi ils subissent un examen et reçoivent un certificat les autorisant à participer au service sur les grandes lignes.
À mesure de leur arrivée en France, les Bataillons sont ainsi répartis sur les divers réseaux et instruits jusqu'à affectation définitive à telle ou telle « Grande Division ».
En même temps que le personnel, arrive en France le matériel : locomotives et wagons. — Débarquées et montées dans les grands chantiers industriels de St-Nazaire, sous le contrôle du 19e Régiment du Génie, — sauf un certain nombre déchargées toutes montées par les puissants moyens de levage de Brest, — les locomotives américaines sont des « Consolidations » à quatre essieux couplés, deux cylindres, simple expansion, surchauffe, répondant à deux types dont le tableau ci-après donne les caractéristiques principales.
CARACTÉRISTIQUES | TYPE A. (American Locomotive C°) |
TYPE B. (Baldwin) |
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Longueur totale | 19m,27 | 20m,01 |
Poids adhérent | 63.500 tonnes | 68.039 tonnes |
Poids de la locomotive en ordre de marche | 73.000 tonnes | 75.175 tonnes |
Poids du tender en ordre de marche | 43.300 tonnes | 50.802 tonnes |
Capacité en eau | 18 m3 | 20,4 m3 |
Capacité en charbon | 5 tonnes | 9 tonnes |
Ces robustes machines, aux lignes massives, à l'aspect non affiné, grandes mangeuses de charbon, sont montées à une densité qui oscille entre 2, 5 et 7 par jour, et réparties aussitôt entre les réseaux et le T.C., suivant les nécessités du moment.
Les wagons sont déchargés à La Pallice et montés pour la plupart aux ateliers du 35e Régiment du Génie à La Rochelle. Le rendement varie entre 22 et 96 par jour. Uniformément du type 30 tonnes à bogies, (sauf 240 plats spéciaux de 40 tonnes) ces wagons se répartissent, au 11 Novembre 1918, comme suit :
Wagons couverts | 5.026 |
Wagons plats | 4.258 |
Tombereaux | 2.017 |
Frigorifiques | 986 |
Réservoirs | 547 |
Ballast | 400 |
Total | 13.224 |
Il conviendrait d'ajouter à ce total les trains sanitaires, constitués avec des véhicules de fabrication anglaise : il y a, en Novembre 1918, 19 rames sanitaires comprenant 16 véhicules.
L'emploi des wagons U.S.A. est entièrement réservé aux besoins de l'Armée américaine, et pour en assurer le maintien sur les Lignes de Communication, le T.C. les marque d'une inscription prescrivant le renvoi automatique des wagons vides sur les ports.
En même temps que sont prévus l'arrivée et le montage des locomotives et wagons américains, le T.C. organise la réparation. Des ateliers sont installés, dont le plus important est celui de Nevers. Un personnel spécial vient les équiper, et on prévoit même l'affectation d'un certain effectif aux réseaux français, en vue d'aider ceux-ci dans le travail grandissant de la réparation du matériel français.
La figure suivante présente la progression réellement suivie dans l'arrivée en France du personnel (exclusivement exploitant sur les lignes françaises), des locomotives et des wagons américains. Cette progression n'est pas régulière, mais elle est surtout insuffisante et si elle n'était pas sensiblement affectée par la guerre sous-marine, elle l'est grandement, au contraire, par le fait des événements de guerre. Les chiffres au grand programme du printemps sont loin d'être atteints et les mois d'été s'écoulent avec une faiblesse d'accroissement qui contraste avec l'intensité des préparatifs militaires de l'époque. Le fait a été maintes fois relevé, mais n'est-il pas juste de reconnaître que les circonstances exigèrent précisement l'envoi des troupes combattantes à grande densité, par priorité sur les troupes des services et le matériel ?
L'examen des tableaux de transports, dont il sera parlé plus loin, témoigne que l'effort a plus que triplé du 1er mai au 1er août, imposant aux réseaux français une charge grandissante dans l'instant où, par ailleurs, toute la préparation de la bataille leur incombe. Si donc l'aide américaine se fait attendre, il est nécessaire de dire que cette attente a été en grande partie imposée, et que ce sont les réseaux français qui en ont supporté les conséquences.
Personnel de chemins de fer U.S.A. en service |
Locomotives U.S.A. en service |
Wagons U.S.A. en service |
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1918 | Avril | - | 227 | 623 |
Mai | - | 299 | 1.848 | |
Juin | - | 388 | 3.211 | |
Juillet | - | 512 | 4.241 | |
Août | 3.800 | 709 | 6.205 | |
Septembre | 5.939 | 824 | 9.184 | |
Octobre | 6.162 | 923 | 11.715 | |
Novembre | 6.280 | 1.005 | 14.154 | |
Décembre | 6.432 | 1.200 | 16.322 | |
1919 | Janvier | 5.900 | 1.304 | 17.911 |
Février | 5.715 | 1.415 | 18.422 | |
Mars | 5.316 | 1.539 | 18.842 | |
Avril | 5.074 | 1.539 | 18.842 | |
Mai | 4.919 | 1.539 | 19.833 | |
Juin | 4.919 | 1.539 | 20.819 | |
Juillet | - | 1.539 | 22.148 |
OCTOBRE 1918 | |
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Octobre | Pic de l'épidémie de grippe espagnole. |
Mardi 1er |
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Mercredi 2 |
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Jeudi 3 |
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Vendredi 5 |
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Samedi 5 |
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Dimanche 6 | Toute le côte de Belgique a été évacuée. |
Lundi 7 |
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Mardi 8 | En Grèce, les Alliés occupent la Macédoine pillée par les Bulgares. |
Mercredi 9 |
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Jeudi 10 |
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Vendredi 11 |
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Samedi 12 |
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Dimanche 13 |
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Lundi 14 |
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Mardi 15 |
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Mercredi 16 |
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Jeudi 17 |
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Vendredi 18 |
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Samedi 19 |
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Dimanche 20 |
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Lundi 21 |
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Mardi 22 |
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Mercredi 23 |
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Jeudi 24 | Sur tout le front, progression des Alliés. |
Vendredi 25 |
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Samedi 26 |
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Dimanche 27 |
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Lundi 28 |
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Mardi 29 |
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Mercredi 30 |
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Jeudi 31 |
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