► LE TEMPS DU 25 MARS 1924 (Numéro 22874).
ACCIDENT DE CHEMIN DE FER EN LORRAINE
Huit morts. ─ Seize blessés
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L'express n° 2, Ostende-Bâle, qui avait quitté Metz à 1 h. 5, a tamponné à Bénestroff une rame de marchandises à l'arrêt sur une voie de garage. L'express marchait à vive allure, le choc fut effroyable. Dans la collision, la locomotive ne fut guère endommagée, mais le tender fut démoli. Le fourgon postal, le fourgon des bagages, et deux wagons de voyageurs, l'un de troisième classe, l'autre mixte à deux classes, se télescopèrent.
Le personnel de la gare accourut au secours des victimes. Huit corps affreusement mutilés furent trouvés parmi les décombres. On put identifier sur-le-champ deux d'entre eux : le conducteur du train de marchandises, M. Camille Ruckly, de Strasbourg, et le mécanicien Dutreux, du dépôt de Hausbergen. Parmi les cadavres, il y avait notamment deux soldats, un ambulant des P. T. T., et une femme. Des débris des deux convois on retira seize blessés, dont plusieurs grièvement atteints, qui furent transportés par trains spéciaux à Metz et Sarrebourg, où ils sont en traitement à l'hôpital. Le sous-préfet de Château-Salins s'est rendu sur les lieux pour diriger ces évacuations.
La cause de l'accident n'est pas encore nettement déterminée. Des premières constatations faites, tant par les magistrats de Château-Salins que par M. Lévy, ingénieur principal à Strasbourg, il ressort que l'express a été aiguillé sur la voie de garage où stationnait le train de marchandises. Les magistrats et techniciens vont s'efforcer d'établir si la mauvaise direction qui a été donnée ainsi au train tamponneur est le résultat d'une erreur de l'employé ou du fonctionnement défectueux de l'appareil d'aiguillage.
On procède activement au déblaiement, l'un des wagons écrasés n'ayant pas encore été complètement dégagé.
La gare de Bénestroff se trouve à peu près à mi-chemin entre Strasbourg et Metz ; elle sert de bifurcation entre la ligne principale de Metz-Strasbourg et les lignes secondaires de Château-Salins et de Nouvel-Avricourt vers Sarreguemines.
► LE TEMPS DU 26 MARS 1924 (Numéro 22875).
Un cadavre n'a pu être encore identifié. D'autre part, l’un des blessés, M. Joseph Lemberger, chauffeur au dépôt de Sablon, est décédé à l'hôpital de Metz.
Les enquêtes, ouvertes pour établir les responsabilités dans cet accident se sont poursuivies hier. Un fait est d'ores et déjà acquis : l'aiguilleur, nommé Farny, et habitant Marémont près Bénestroff, n'a pas assuré son service ; il s'est endormi après avoir donné la voie de garage au train de marchandises et n'a pas rétabli la ligne directe pour le passage du train de voyageurs. Il a été mis en état d'arrestation.
D'autre part, il ressort des premiers témoignages que les disques de protection indiquaient « voie libre ». à l'express ; or, les signaux, qui sont commandés automatiquement par l'appareil d'aiguillage devaient, la voie de garage étant donnée, prescrire l'arrêt ; il semble qu'il y ait eu un défaut de fonctionnement dans le système de signalisation ; c'est dans ce sens que sont dirigées les investigations des enquêteurs.
Les travaux de déblaiement se sont poursuivis hier en présence de M. Peychez, directeur des chemins de fer d'Alsace et de Lorraine.
Les voies principales ont été dégagées : on travaille activement à enlever le monceau de débris qui obstrue la voie de garage.
Ce matin, les autorités ont procédé à la mise en bière des victimes. Un service a été célébré ensuite en l'église de Bénestroff.
► LE TEMPS DU 10 JUILLET 1924 (Numéro 22980).