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“ LE NOUVEAU POSTE ÉLECTRODYNAMIQUE DE NOTRE GARE DE PARIS ” • LE BULLETIN PLM N° 31 DE JANVIER 1934

 

PARIS-GARE DE LYON POSTES I ET II
16/03/2017 • 19:30 • PARIS-GARE-DE-LYON (75) • 48.844167, 2.374444
PARIS-GARE DE LYON POSTES I ET II
 
La cabine du poste I. À droite les appareils « Saint-Chamond-Granat »
Fig. 1 — La cabine du poste I. À droite les appareils « Saint-Chamond-Granat »
“ LE NOUVEAU POSTE ÉLECTRODYNAMIQUE DE NOTRE GARE DE PARIS ”
Par M. OUDOTTE
Ingénieur principal attaché au Service Central de la Voie

Article paru dans LE BULLETIN PLM n° 31 de janvier 1934

“ Les installations de la gare de Paris qui s’étaient développées peu à peu de 1849 à 1900, n’avaient pas reçu, depuis cette époque jusqu’à ces dernières années, d’agrandissement notable.

En 1900, le nombre des voies à trottoir avait été porté à 13, tant pour la réception et le départ des trains de grand parcours que pour les arrivées et départs de banlieue. Le trafic voyageurs a augmenté depuis cette époque d’une façon si considérable que, peu à peu, les installations de 1900 sont devenues tout à fait insuffisantes.

Après de longues études, un programme d’ensemble de l’agrandissement des gares de Paris a été arrêté en 1911.

De ce programme général, retardé par la guerre, est né, en ce qui concerne la gare de voyageurs, le programme réduit dit des « 8 voies », lequel comportait tout d’abord l’établissement vers la gauche de la gare, côté rue de Chalon, de 8 nouvelles voies à trottoir. Ce programme comportait aussi une série de transformations successives des voies et appareils destinés à faciliter les mouvements intérieurs de la gare, et, de ce fait, à augmenter notablement son débit dans les deux sens de circulation.

Afin de faire profiter au plus tôt la gare de Paris d’une partie des installations projetées, le programme des 8 voies a reçu un premier commencement d’exécution en 1927 par la mise en service des 8 voies à trottoir proprement dites, raccordées provisoirement aux autres installations existantes.

Depuis 1927 donc, la gare de Paris possède 21 voies à trottoir. Mais elle ne pourra tirer tout le parti possible de ces 21 voies que lorsqu’auront été réalisées les modifications importantes dans les liaisons de la gare, permettant d’accélérer et d’augmenter le nombre des mouvements simultanés et, par conséquent, d’accroître le débit des trains, à l’arrivée comme au départ.

La réalisation progressive de ces remaniements et agrandissements, suivant une succession de nombreuses périodes et phases dont le programme est complètement mis au point, devait conduire à un bouleversement total de notre poste I de Paris (Saxby à 200 leviers) ainsi qu’à des déclenchements nombreux et de longue durée, qui eussent rendu extrêmement difficile l’exploitation de la gare de Paris, déjà fort délicate, en même temps que l’exécution des travaux.

Il a donc été décidé de créer un nouveau poste I-II, dont l’édification et le montage devaient être menés sans arrêter ou gêner le fonctionnement du poste Saxby et qui devait être mis en service sur les installations actuelles, préalablement aux modifications des liaisons.

La partie I du nouveau poste a été mise en service dans la nuit du 17 au 18 juin 1933.

Depuis cette date, tous les mouvements au départ de la gare de Paris sont donnés régulièrement par ce poste. Lorsque les différentes phases de modifications de voies auront été achevées, les postes I et II accolés règleront toutes les arrivées et tous les départs de trains

Ces deux postes sont du type de poste électrodynamique à leviers d’itinéraires, dont les qualités et les avantages avaient été précédemment éprouvés à Melun, Lyon (Perrache et Guillotière) et à Dijon. Grâce aux dispositions de ces postes, il n’est plus nécessaire, comme dans l’ancien Saxby, de manœuvrer successivement plusieurs leviers pour donner un passage, travail long, pénible pour les aiguilleurs, demandant un personnel nombreux et susceptible de provoquer des erreurs.

En raison de la rapidité avec laquelle un itinéraire peut être donné par la manœuvre d’un seul levier, les possibilités de débit de la gare sont augmentées et cela avec une sécurité accrue.

En outre, grâce aux heureuses conceptions adoptées dans ces nouveaux postes, la réalisation des différentes et nombreuses phases de modification des voies et appareils devient facile, sans nécessiter de déclenchement ni apporter de gêne à l’exploitation du poste lui-même.

Les postes I et II ont été groupés dans un même bâtiment, en béton armé (reproduit en tête de cet article) qui mesure en plan 31,50 m sur 8,20 m et comporte 3 étages pour chaque poste.

À l’étage supérieur sont les 2 cabines, séparées par le bureau du Chef de circulation, et largement éclairées par des séries de baies vitrées assurant une excellente visibilité dans toutes les directions.

Dans la cabine du poste I, reproduite par les figures 1 et 2, la table de manœuvre comporte 320 leviers d’itinéraires répartis sur 4 rangées. L’ancien poste Saxby comprenait 200 leviers alignés sur un même rang, comme l’indique la figure 3.

La cabine contient aussi les installations de block, les relations téléphoniques et électriques de poste à poste ; en particulier, les correspondances entre postes ont été assurées de façon impérative par des appareils spéciaux et nouveaux dits « Saint-Chamond-Granat » (premier plan de la figure 1), spécialement décrits plus loin, en appendice, par deux techniciens du Service de l’Exploitation.

Au deuxième étage est la base de la table de manœuvre de chaque poste, réalisant toutes les liaisons de commande et de contrôle, des aiguilles, signaux et sections isolées, entre la table des leviers en cabine et les divers circuits électriques (tringles, balanciers, combinateurs, verrous).

Au premier étage sont placés tous les relais, la plupart des fusibles et le tableau géographique.

Au rez-de-chaussée sont les arrivées et les départs des câbles électriques et quelques locaux de service. La longueur des conducteurs en cabine est de 269.000 mètres.

Au sous-sol, enfin, sont les débouchés des galeries souterraines.

Les aiguilles sont mues sur place par des moteurs électriques, les signaux sont électrifiés ainsi que les appareils à pétards. Les câbles des circuits de manœuvre et de contrôle sont placés dans des canalisations à air comprimé assurant leur isolement et leur sécheresse, alimentées en air comprimé par un compresseur situé au rez-de-chaussée du poste. La longueur des conducteurs en campagne atteint 623.000 mètres.

L’alimentation de tous les circuits électriques est assurée par une sous-station (voir fig. 4, 5 et 6) qu’il a fallu créer de toutes pièces au sous-sol de la Messagerie-Départ, et qui est reliée aux postes à desservir par 145 mètres de galeries visitables, traversant souterrainement les installations de la gare.

Cette sous-station possède 2 salles haute-tension (fig. 7) : l’une en service normal sur le secteur de l’Union d’Électricité, l’autre à titre de secours, sur le secteur de la Cie Parisienne de Distribution d’Électricité, ainsi que des groupes générateurs à essence d’une puissance totale de 320 ch pour parer aux défaillances possibles, même simultanées, des 2 secteurs. Tous les appareils automatiques nécessaires ont été prévus pour ce que, en cas de défaillance d’un secteur, l’autre entre immédiatement en jeu, et en cas de défaillance de ce dernier, pour que les groupes à essence démarrent à leur tour aussitôt, sans l’intervention d’aucun agent.

C’est la combinaison de ces diverses installations : sous-station, poste proprement dit, câbles, moteurs, qui constitue l’ensemble d’un poste électrodynamique.

Le fonctionnement en est très aisé pour les aiguilleurs : pour donner un passage, il suffit de manœuvrer l’un des leviers de la table, en forme de poignée, visibles à la figure 2, en décomposant la mouvement de la façon suivante :

1° Traction sur la poignée : toutes les aiguilles de l’itinéraire sont amenées dans la position convenable, sont calées et contrôlées dans cette position ;

2° Rotation de la poignée, soit de gauche à droite, soit de droite à gauche, suivant le sens dans lequel l’itinéraire doit être parcouru.

Cette rotation est fractionnée en mouvements angulaires de 30° d’amplitude.

La rotation au premier cran réalise l’enclenchement mécanique des leviers des itinéraires incompatibles, au moyen des organes mécaniques de la table de manœuvre, puis contrôle, par l’apparition d’un voyant spécial au-dessus de la poignée, que l’itinéraire complet est correctement préparé.

La rotation aux deuxième et troisième crans permet la commande des divers signaux de l’itinéraire qui sont mis à voie libre suivant l’ordre dans lequel ils sont rencontrés sur le terrain.

Un grand tableau schématique que montre la figure 2, situé devant les aiguilleurs, reproduit le tracé des voies comprises dans la zone d’action du poste, ainsi que la situation des signaux. La position des aiguilles et des signaux et la situation des rails isolés de calage d’aiguilles apparaissent sur ce tableau par des indications lumineuses. Ainsi l’aiguilleur peut-il se rendre compte de la position des aiguilles et des signaux, et suivre par l’éclairement des sections isolées la position du convoi dans la gare.

Lorsque le contrôle d’une aiguille ne se fait pas, pour quelque raison que ce soit, l’aiguilleur en voit l’indication au tableau, en même temps qu’il entend le ronflement d’un appareil sonore.

La mise en service d’un tel poste a pu être réalisée très rapidement, grâce à une préparation et à une organisation minutieuses.

Cette opération exigeait, en une seule nuit, l’exécution d’un certain nombre d’opérations pour obtenir :

— d’une part, le report au nouveau poste, de la commande et du contrôle des aiguilles ;

— d’autre part, le report au nouveau poste, de la commande et du contrôle des signaux.

Grâce aux dispositions préparées à l’avance, ces diverses opérations ont pu être réalisées, sans aucun incident, entre 1 heure et 2 heures du matin, dans la nuit du 17 au 18 juin.

Depuis le 18 juin, le nouveau poste électrodynamique fonctionne définitivement, ce qui a permis la démolition de l’ancien poste Saxby et l’utilisation de son emplacement pour faire passer des voies.

Les différentes phases des travaux de voie vont se dérouler suivant le programme prévu, en même temps que, parallèlement et progressivement, sera installé et mis en service le nouveau poste II. ”

LE BULLETIN PLM n° 31 de janvier 1934
 
 
 
Fig. 2 — La table de manœuvre et ses quatre rangées de leviers (320 au total).
 
 
 
Fig. 3 — Les 200 leviers de l'ancien Saxby.
 
 
 
Fig. 4 — Salle des groupes générateurs de secours et des commutatrices, dans la sous-station.
 
 
 
Fig. 5 — Vue de l'arrière du tableau de commande de la sous-station.
 
 
 
Fig. 6 — Le tableau de commande de la sous-station, vu de face.
 
 
 
Fig. 7 — L'une des salles haute tension de la sous-station.