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RAILS DE FRANCE - LA VIE DU RAIL - NUMÉRO SPÉCIAL - MARS 1937

LES COULISSES D'UNE GARE par CHARLES FABRY (1867-1945) Membre de l'Académie des Sciences

           
PRÉFACE AU SEUIL
DU DÉPART
  ON PRÉPARE
VOTRE TRAIN
  LES COULISSES
D'UNE GARE
  MUSCLES
D'ACIER
  VOYAGE AVEC
LE MÉCANICIEN
  CEUX QUI
VOUS ATTENDENT
LES COULISSES D'UNE GARE
VOICI LE RÉGULATEUR DE LA GARE.
IL CONNAÎT, MINUTE PAR MINUTE, LE MOUVEMENT DES TRAINS CE QUI LUI PERMET DE DONNER, PAR TÉLÉPHONE, SES INSTRUCTIONS AUX AIGUILLEURS.
C'EST LUI ÉGALEMENT QUI AUTORISE LES MANŒUVRES EN GARE, QUI RENSEIGNE LES SURVEILLANTS ET LE SERVICE DE CONTRÔLE DES QUAIS.
LES COULISSES D'UNE GARE

Les signaux ! Une si petite chose, et, en, apparence, de si peu d'importance ! Dans la nuit, un point brillant, rouge, vert, jaune, que le voyageur ne peut même pas voir; le jour, un disque, un carré ou un rectangle de tôle peint en rouge ou en damier, auquel on ne prête pas plus d'attention qu'à l'un des innombrables poteaux télégraphiques qui jalonnent la voie. Et cependant, c'est une de ces petites choses que, pour une bonne part, dépend la sécurité des voyageurs et du personnel.

Au début, quand des vitesses de 60 kilomètres à l'heure étaient de « grandes vitesses », quand, sur les lignes les plus chargées, il passait un ou deux trains par heure, la question des signaux n'avait qu'une faible importance; ce n'était pas la peine de se casser la tête, ni de dépenser beaucoup d'argent, pour découvrir le meilleur système de signalisation. Mais depuis, que de changements ! La vitesse des trains a été doublée en tenant compte de l'énorme augmentation du poids des convois, on peut dire que leur « force vive » (qui mesure, en quelque sorte, leur résistance à l'arrêt) a été largement décuplée; et c'est à quelques minutes d'intervalle que les trains doivent se succéder. On conçoit que l'organisation des signaux ait pris une grande importance; c'est toute une technique qu'il a fallu créer, en faisant appel aux sciences les plus diverses : optique, art de l'éclairage, météorologie et aérologie, ophtalmologie, électricité.

Quoi de plus simple, en apparence, que de placer un feu rouge sur la voie ? Une lampe, un verre rouge, un rudimentaire système d'optique, c'est bien vite dit et bien facile à faire. Mais la question se complique, si l'on réfléchit que de cette lanterne dépend la vie de centaines d'hommes, que pas un instant de défaillance n'est permis, que le point rouge doit être visible par tous les temps, quelle que soit la vitesse du train. Quelle source de lumière, à l'abri de toute « panne », faut-il choisir ? Quel verre coloré faut-il employer ? C'est toute une étude de ces « filtres à lumière » qui a dû être faite, en liaison avec l'industrie délicate des verres de couleur. Quel système de lentilles et de miroir faut-il placer devant la lampe pour qu'elle soit visible de loin, même si la voie est « en courbe » ? Enfin, question vraiment angoissante, quels yeux faut-il pour bien la voir ? Car c'est un fait bien curieux qu'il existe une assez forte proportion d'hommes qui n'ont pas une vision normale des couleurs, et qui ne s'en doutent pas. C'est tout un service ophtalmologique que les Compagnies de chemins de fer ont dû organiser pour dépister ces anomalies et, devoir bien pénible, d'éliminer du cadre des mécaniciens les hommes qui n'ont pas une parfaite vision des couleurs.

Bien entendu, il existe d'autres moyens que la vue pour communiquer avec le mécanicien, et pour lui dire, en langage convenu : « stop » au moment voulu. Beaucoup de moyens ont été proposés, quelques-uns sont en service. Contact électrique par rails, pétards sur la voie, choc de la locomotive contre un bras mobile, emploi de la T.S.F., toutes les solutions sont employées ou à l'essai. Mais toujours se pose la même question : les chances de non-fonctionnement, les possibilités de « panne » sont-elles vraiment nulles ? Deux sécurités valent mieux qu'une, et il faut avouer qu'en fait de sécurité dans le fonctionnement, une bonne rétine au fond d'un bon œil défie toute concurrence. Les signaux visuels, perfectionnés par une longue pratique, ne sont pas près de disparaître.

Charles Fabry (1867-1945)
Membre de l'Académie des Sciences
Directeur de l'Institut d'Optique

 
 
LES COULISSES D'UNE GARE