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REVUE DE PRESSE • 1939-1940 • MAI 1940

PARIS-SOIR • 14 MAI 1940 • LE MÉCANICIEN D'UN TRAIN DE RÉFUGIÉS BELGES RACONTE SON DRAMATIQUE VOYAGE

L'ILLUSTRATION DU 25 MAI 1940 • COMPOSITION DE GÉO HAM • UN TRAIN DE REFUGIÉS BELGES EN ROUTE POUR LA FRANCE EST POURSUIVI, BOMBARDÉ ET MITRAILLÉ PAR DES AVIONS ALLEMANDS
L'ILLUSTRATION DU 25 MAI 1940 • COMPOSITION DE GÉO HAM
UN TRAIN DE REFUGIÉS BELGES (FEMMES ET ENFANTS) EN ROUTE POUR LA FRANCE EST POURSUIVI, BOMBARDÉ ET MITRAILLÉ PAR DES AVIONS ALLEMANDS
“ Cet épisode de la guerre déchaînée par l'Allemagne contre de petites nations neutres est un des plus horrifiant parce que l'un des plus stupidement et des plus incompréhensiblement cruel. Certains de ces trains sont arrivés en gare du Nord avec leur locomotive éclaboussée de terre, leur tôles percées de balles, quelques parois de leur wagons également criblées de projectiles qui ont, cela va sans dire, fait des victimes ; et c'est miracle qu'une catastrophe ait été évitée. ”

Édition du 14 mai 1940

« SOUDAIN, UN VROMBISSEMENT D'AVION couvre le bruit du convoi :
— Trois boches nous suivent »

Le mécanicien d'un train de réfugiés belges qui fut poursuivi
par les bombardiers allemands nous raconte son dramatique voyage

Dimanche de Pentecôte : 4 h. 30 du matin. Le train a cinq heures de retard. Au bout du quai, le jour commence à se lever. Une aube blafarde, grise... et soudain une masse hurlante, sombre, débouche vers nous. Voici le train qui vient de la Belgique envahie.

Je me précipite. La locomotive est couverte de terre. Le mécanicien descend. Du second wagon sort une lamentable théorie d'infirmes et de malades. Une vieille femme de 82 ans, aveugle et infirme, est soutenue par deux infirmières françaises. Ces dernières vont faire jusqu'au matin œuvre surhumaine. Elles ne sont que deux pour mener les paralytiques, les femmes, les enfants jusqu'au centre d'accueil, prêté bénévolement par la créatrice de l'œuvre de l'enfance, Mlle Grange. Elles ne sont que deux, mais personne n'est oublié.

Près de sa locomotive, le mécanicien entouré de plusieurs « collègues ». Parti à dix-sept heures de Bruxelles, il est arrivé à Paris après un voyage de près de douze heures.

— La gare du Midi à Bruxelles était envahie par une foule anxieuse arrivant d'Anvers, de Louvain, de Malines et de Gand. Le calme de tous ces gens était impressionnant. Au-dessus de la gare, des avions allemands tournoyaient sans arrêt.

Barbarie allemande

— Jusqu'à Mons, aucun incident. Quelques minutes après, c'est la frontière française. Les passeports sont sévèrement contrôlés... Léger affolement de ceux qui sont obligés d'attendre sur le sol belge, à la porte de ce qui leur paraît aujourd'hui une terre de liberté. Enfin, nous voici en France. Je poursuis ma route. Soudain, un vrombissement couvre le bruit du convoi en marche. Mon chauffeur s'est penché... Il me jette :

— Trois Boches nous suivent.

Sur nos têtes, en effet, trois énormes bombardiers passent rapidement. À quelques mètres de nous, deux bombes éclatent. Des cailloux, de la terre sautent sur les wagons et sur la machine. Puis j'entends le tac-tac-tac des mitrailleuses... Deux chasseurs français surviennent et nous libèrent enfin de cette gênante compagnie.

Poursuivis à coups de bombes

Une jeune fille me dit comment elle a pu arriver de Namur à Jeumont, frontière française.

— Sur ma route, les Allemands essayèrent de bombarder notre train. Nous avons rencontré un groupe de prisonniers allemands.

Ces prisonniers étaient tous très jeunes et d'une arrogance !... Leur officier ne semblait pas avoir encore 25 ans. Les mitrailleuses jumelées de la défense belge s'acharnèrent après un avion nazi qui s'abattit bientôt en flammes.

Ovations délirantes

Un homme, ancien combattant, surgit en courant sur le quai et hurle :

— Nos Alliés possèdent une force invincible. Ils arrivent de partout. On se demande vraiment où ils ont pris tous ces camions. La population entière les acclame.

Et tous les réfugiés du centre d'accueil qui demain seront dirigés vers les régions de France les plus diverses se joignent alors à cette jeune fille pour nous dire ce qu'ils répéteront demain à tous les Français : la Belgique résistera jusqu'à son dernier homme... Les Français sont accueillis avec une émotion indicible, une joie délirante. Ils sont reçus partout comme des fils et des frères... Tous les Belges sont persuadés que nos armes abattront le nazisme.

Le jour s'est levé, le vent frais du matin gonfle les plis du drapeau belge qui abrite un groupe de réfugiés et les invite au « courage, au sang-froid et à la confiance ».

Édition du 5 mai 1940

Le sauf-conduit reste nécessaire pour se rendre dans la zone des armées

Paris, 4 mai. — Le sous-secrétariat aux travaux publics et aux transports communique :

« À propos de certaines indications publiées dans la presse sur les formalités à remplir par les personnes désirant se rendre par chemin de fer dans la zone des armées, il est précisé qu'aucune formalité nouvelle n'est exigée. Cependant, en vue d'associer aux mesures de contrôle, la Société nationale des chemins de fer indique que la délivrance des billets de chemins de fer à destination de la zone des armées sera à dater du 6 mai, subordonnée à la présentation, au guichet, des pièces dont les voyageurs doivent normalement être munis, en vertu de règlements antérieurs : sauf-conduit, carte de circulation, visés par l'autorité militaire, etc...

Édition du 19 mai 1940

L'exode des réfugiés

L'émouvant exode des réfugiés, femmes, enfants et vieillards fuyant la barbarie déchaînée des hordes germaniques, n'a cessé de se poursuivre pendant la journée d'hier, où une dizaine de trains, ravitaillés fraternellement au passage, sont arrivés en gare Matabiau pour être ensuite répartis entre les centres d'accueil qui leur ont été ouverts dans la Haute-Garonne ou dans la région avoisinante.

De nouveaux convois, apportant 2.800 exilés étaient attendus dans la nuit.

Si l'on note que, de mercredi soir à vendredi minuit, plus de trente mille avaient été déjà acheminés sur Toulouse et que leur nombre paraît en ce moment, non seulement atteindre mais largement dépasser quarante mille, on se rend compte de l'importance de la tâche délicate, urgente et parfois difficile à laquelle les pouvoirs publics, les municipalités et les bonnes volontés qui se sont généreusement associées à eux, ont à faire face.

Belges pour la plupart, ces réfugiés comptent un certain nombre de Luxembourgeois et quelques groupes isolés provenant des Ardennes françaises.

Édition du 23 mai 1940

À ABBEVILLE - Dix motocyclistes allemands contre un aiguilleur français

L'ennemi n'a pas agi en masse en direction de la côte.

Il a lancé une foule de petits détachements de découverte composés de motocyclistes accompagnés d'auto-mitrailleuses qui « escadronnent » de droite et de gauche, vont et viennent dans tous les sens, ce qui empêche de fixer un front quelconque dans cette région.

COUP DE MAIN SUR LA GARE D'ABBEVILLE

Voici, par exemple, le récit authentique d'un coup de main allemand sur la gare d'Abbeville :

« Dans cette gare un employé des chemins de fer venait de faire partir le dernier train en compagnie d'un inspecteur de la sûreté. Ils étaient dans un poste d'aiguillage lorsqu'ils entendirent la pétarade d'une motocyclette. Quelques minutes après un soldat allemand entrait dans le poste d'aiguillage. L'inspecteur de la sûreté et le cheminot se précipitèrent sur lui et le maîtrisèrent.

» Mais un groupe d'une dizaine de motocyclistes firent alors irruption autour du poste. Les deux Français s'échappèrent par un escalier de derrière et coururent à la Somme poursuivis par les Allemands. Ils se jetèrent à l'eau et se mirent en devoir de franchir à la nage la rivière, très large à cet endroit, proche de l'embouchure.

» Les Allemands mirent rapidement une mitrailleuse en batterie et ouvrirent le feu sur les nageurs. L'employé de chemin de fer fut atteint et coula à pic. L'inspecteur de la sûreté parvint à grand'peine à gagner la rive gauche et courut au téléphone pour donner l'alarme. »

Édition du 25 mai 1940

TOULOUSE - ARRIVÉE D'UN TRAIN DE BLESSÉS MILITAIRES

Un train sanitaire comprenant des blessés évacués des formations sanitaires du front est arrivé en gare de Saint-Cyprien dans la nuit de jeudi à vendredi. Ceux-ci ont été répartis dans les différents hôpitaux militaires de la ville.

TOULOUSE - L'ACCUEIL AUX RÉFUGIÉS

Après avoir marqué un léger temps d'arrêt, l'exode des réfugiés français et belges a repris de plus belle au cours de la journée de vendredi, durant laquelle les trains se sont succédé en gare Matabiau. Les isolés en auto sont également arrivés en nombre imposant. Aussi des mesures appropriées et de toute urgence ont été prises par la préfecture et la municipalité. C'est ainsi que furent utilisés, pour abriter les arrivants, les appartements déclarés vacants par les propriétaires, des salles de fête, de spectacle et de cinéma, une partie ides dépendances de certaines écoles et notamment le Parc des Sports.

De cette façon on a pu loger à Toulouse, jusqu'à ce jour, plus de vingt mille personnes. Malgré cela, les cantonnements réservés aux réfugiée demeurent insuffisants. C'est pourquoi le maire a lancé un appel aux hommes de cœur et de bonne volonté pour prendre momentanément à leur charge un certain nombre de ces malheureux.

On constate, toutefois, avec satisfaction, que beaucoup de nos concitoyens n'avaient pas attendu cet appel pour recueillir, suivant leurs possibilités, quelques-uns de ceux que l'invasion barbare a brusquement arrachés à leurs foyers. En général, c'est avec une sympathie agissante que les Toulousains ont accueilli tous ces pauvres gens.

Une seule ombre au tableau : certains logeurs en garnis et propriétaires d'immeubles ont cru devoir profiter de l'occasion pour majorer le prix de leurs chambres ou de leurs appartements.

Esprit de lucre inadmissible que des enquêtes de police ne vont pas tarder à réduire à de plus justes proportions. Ajoutons qu'au problème de l'hébergement vient s'ajouter celui du ravitaillement. Si l'on remarque que, bien avant l'arrivée des réfugiée, les services de la mairie avaient établi 250.000 cartes d'alimentation, on se rend compte de l'accroissement de la population toulousaine depuis le début de la guerre. Il est d'ailleurs impossible, à l'heure actuelle, de prévoir de combien d'âmes cette population augmentera encore dans les jours qui vont suivre.

 

Édition du 28 mai 1940

AUTRES FAITS D'ARMES
LES CHEMINOTS à la peine et à l'honneur

Non seulement nos soldats sur les lignes de combat multiplient les actes d'héroïsme et sans prétendre tout dire à ce sujet nous nous en sommes fait ici souvent les échos — mais, depuis l'offensive, depuis la mitraillade des gares et des convois par l'ennemi, les employés de la S.N.C.F., qui furent si souvent à la peine ces temps derniers, se sont mis d'eux-mêmes à l'honneur.

Deux convois. quatre bombardements !

Le 11 mai. un mécanicien voit le train qu'il remorque bombardé par un mitrailleur. Il arrive à la gare, attaqué par d'autres aviateurs. Il porte secours aux victimes. Second départ. Second bombardement en cours de route. Une bombe tombe à proximité de sa machine, causant des dégâts importants. Le mécanicien continue sa route, tant bien que mal.

Le lendemain, il convoie un train de munitions. Il essuie deux bombardements. Il s'aperçoit qu'une caisse de wagon brûle. Il arrête sa machine, procède à l'extinction de l'incendie, repart, gare le convoi au but final de son voyage. En tout : 34 heures de service.

Un fait. Entre combien d'autres !

Guerre aux parachutistes !

Le 10 mai, un auxiliaire du service de la voie, aperçoit un parachutiste qui vient d'atterrir. Entraînant deux autres agents, il se précipite sur l'ennemi armé d'une mitraillette, l'intimide, le désarme et le remet entre les mains de l'autorité militaire.

Le même jour, un mécanicien voit un aviateur tomber du ciel, soutenu par son parachute. Il arrête son train, et, avec son chauffeur, contraint l'Allemand à se rendre par son attitude énergique.

Service d'abord !

Deux autres faits, dans l'éloquente sécheresse d'un procès-verbal sans littérature :

« X..., à la direction d'une importante gare de triage nord-est, a assuré, dans la nuit du 11 au 12 mai, l'évacuation de 35 trains et des locomotives du dépôt. A réussi, immédiatement avant la destruction d'un pont par le génie sur une rivière, à replier les gares voisines (matériel et personnel). A quitté son poste le dernier. »

« Y... A réussi à replier le matériel sur une ligne exposée aux bombardements. Ne s'est replié lui-même en dernier lieu à bicyclette qu'à l'arrivée des colonnes motorisées ennemies devant la gare. »

Un exode de 100 kilomètres

Ailleurs, c'est l'énergie d'une assistante sociale d'une importante cité qui se replie à pied, pendant plus de 100 kilomètres, entraînant la population de la localité ! Sous les bombardements, elle se porte au secours des blessés et assiste les agonisants. Et elle ne cesse, au cours de ce long et pénible exode d'exalter le moral patriotique des familles qui lui sont confiées.

Un employé désigné pour remplir les fonctions de chef de train, se porte immédiatement au secours des blessés, au mépris du danger.

« Est tué ! » dit, simplement, le compte rendu.

Jusqu'au bout !

Un mécanicien assumant la conduite d'un train d'évacuation, est blessé, avec son chauffeur, au cours d'une attaque aérienne des mitrailleuses.

Refuse de se faire évacuer.

Reste à son poste, continue à mener le convoi, malgré sa blessure, jusqu'à l'étape.

Une gare est bombardée. La femme du chef de gare, tombe, mortellement atteinte. Le mari court vers elle, la relève, l'emporte, la dépose sur son lit, revient à son service, donne des ordres, prête lui-même la main à l'évacuation jusqu'à la fin, puis s'agenouille, en larmes, près de la morte.

D'autres faits ?

Les pages que je compulse, dans le petit bureau d'une gare, en relatent plus de trois cents.

Gabriel REUILLARD

 
EXCELSIOR • 28 MAI 1940

TRACTION ÉLECTRIQUE

LES AUTORAILS TYPE ALSTHOM-SOULÉ
de la S.N.C.F.

Le Génie Civil a déjà décrit (1) de nombreux types d'autorails en service sur le réseau français ou sur certains réseaux étrangers, de même que de nombreux types d'automotrices électriques alimentées par une ligne extérieure de prise de courant, et ne pouvant, par conséquent, circuler que sur les parties électrifiées d'un réseau de voies ferrées.

L'extension déjà importante (3 355 km en service en 1939) de l'électrification dans certaines régions du réseau de la S.N.C.F. (2) donne un intérêt incontestable à la réalisation d'un type mixte, que l'on a dénommé « amphibie », par analogie avec certains appareils d'aviation qui sont à la fois avions et hydravions : il s'agit d'autorails Diesel-électriques dont les moteurs de traction sont alimentés alternativement par le moteur Diesel sur les parcours ordinaires, et par la ligne aérienne sur les parcours électrifiés.

Les mêmes véhicules peuvent ainsi circuler sur des lignes électrifiées ou non, effectuant des parcours directs qui évitent les transbordements de voyageurs, de bagages et de courriers postaux, profitant dans la mesure du possible du courant électrique produit économiquement dans les centrales hydrauliques et, pour les autres parcours, conservant les avantages habituels des autorails légers, à service intensif. Les groupes moteur-générateur Diesel-électriques, n'étant utilisés ici que sur une fraction des parcours, durent ainsi plus longtemps.

Cette conception a maintenant reçu en France la sanction de l'expérience, car deux autorails du type « amphibie » ont été construits à la suite d'une commande de l'ancien Réseau du P.O.-Midi et livrés à la S.N.C.F. qui les a mis en service, à son dépôt de Bordeaux, en mai 1939. Nous nous proposons de décrire d'après une note de M. Garsonnin, Ingénieur de la S.N.C.F., parue dans la Revue générale des Chemins de fer, de mars-avril, ces véhicules nouveaux, construits par la Société Alsthom pour les bogies et l'équipement moteur, en collaboration avec les Établissements Soulé, de Bagnères-de-Bigorre, pour la caisse et les aménagements intérieurs.

DESCRIPTION GÉNÉRALE. — La caisse de l'autorail repose sur deux bogies, l'un moteur et l'autre simplement porteur ; les deux essieux du premier bogie sont entraînés chacun par un moteur de traction. Le courant est fourni à ceux-ci, soit par la ligne aérienne et le pantographe disposé sur une extrémité de la toiture, soit par deux groupes électrogènes actionnés par des moteurs Diesel de 250 ch, disposés parallèlement dans le compartiment des machines, situé lui-même derrière l'une des cabines de conduite.

Les figures 2 et 3 montrent l'aménagement de la caisse : deux cabines de conduite identiques, aux extrémités ; un compartiment des machines, au-dessus du bogie porteur, avec l'appareillage de contrôle et la chaudière de chauffage à vapeur ; un fourgon à bagages ; un compartiment postal ; deux compartiments à voyageurs (29 et 39 places assises), de part et d'autre de la plateforme d'accès.

La caisse a 25m 68 de longueur hors tampons, 2m 85 de largeur extérieure, et 3m 80 de hauteur maximum au-dessus du niveau des rails.

L'ossature du châssis et de la caisse est métallique : elle comprend des emboutis et des profilés en tôle d'acier au chrome-manganèse-vanadium à caractéristiques mécaniques élevées (R = 60 kg/mm² environ), et facilement soudable à l'arc électrique.

Le châssis, à deux longerons en U réunis par des traverses, s'appuie sur les bogies par deux pièces pour chaque bogie ; l'écartement des deux pivots de bogies est de 16m 50. Des sommiers d'appui, qui se prolongent de part et d'autre des extrémités des traverses-pivots, permettent l'usage de vérins et de crics, lors du levage du véhicule. La caisse proprement dite est métallique, sauf quelques cloisons en contreplaqué ; ses éléments principaux sont constitués de tôles pliées ou embouties, de 3 à 5 mm d'épaisseur, formant les poutres, les montants, les entretoises, etc. Les poutres des faces, du type sans diagonales, comprennent un brancard de caisse, un battant de pavillon, et des montants entretoisés par des traverses. Le tôlage extérieur est composé de feuilles minces d'acier au cuivre, soudées sur cette ossature ; les fenêtres sont garnies de glaces triplex ou sécurit ; le plancher est, suivant les compartiments, en tôle de duralumin ou en contreplaqué armé de tôle d'acier et recouvert de linoléum. Sur la toiture, cinq appareils d'aération rotatifs renouvellent l'air des compartiments à voyageurs et du fourgon.

Les bogies sont en construction soudée, à double suspension : suspension primaire prenant appui sur quatre boîtes d'essieu, avec un ressort à lames et deux ressorts à boudin pour chacun des quatre éléments ; suspension secondaire, comportant deux forts ressorts à lames dont les chapes portent les patins d'appui de la caisse, et dont les brides sont reliées au châssis du bogie par une biellette montée sur des silentblocs.

ÉQUIPEMENT MOTEUR. — Les deux essieux du bogie arrière sont entraînés chacun par un moteur série, suspendu par le nez, mais avec un dispositif de suspension étudié en vue des vitesses élevées, de l'ordre de 140 km/h. Les deux moteurs sont constamment couplés en série, et fonctionnent par conséquent chacun sous la tension de 675 volts, en produisant 150 kW (au total, 300 kW).

Équipement électrique. — L'équipement de démarrage, simplifié en raison de ce que l'autorail amphibie est destiné à de grands parcours sans démarrages fréquents, comprend un manipulateur à six crans (deux de marche régulière, et quatre de passage sur les résistances de démarrage) et six contacteurs, ainsi que quelques organes annexes.

La protection est assurée par le fusible principal placé sur la toiture, et par le relais de surcharge qui lui fait suite sur le circuit partant du pantographe et aboutissant d'abord aux résistances de démarrage, puis aux moteurs. Dans ces conditions, l'autorail peut être accouplé à une remorque de 50 tonnes, sur des parcours dont les rampes ne dépassent pas 1 %, ou circuler sans remorque sur des parcours dont les rampes atteignent 2 %.

D'autre part, chacun des groupes Diesel-électriques de 250 ch, à 1 300 t/mn, comprend une dynamo de 150 kW, à tension variable, et une excitatrice. La transmission est du système Alsthom-Royer, suivant lequel la dynamo comporte trois enroulements d'excitation qui, combinés avec le fonctionnement de l'excitatrice, font absorber par la transmission aux moteurs de traction du bogie une puissance à peu près constante pour tous les courants débités entre 210 et 420 ampères, ce qui correspond à des vitesses de 85 et 30 km/h environ. Une seconde zone de fonctionnement est réalisée grâce au shuntage des moteurs de traction, obtenu en mettant sur le cran correspondant à la marche « shunt » le manipulateur mentionné ci-dessus. Pour toute vitesse supérieure à 50 km/h, le rendement de la transmission dépasse 77 %.

La connexion des deux dynamos principales avec les deux moteurs de traction forme un circuit où ces quatre appareils sont tous disposés en série. Le réglage de la puissance est obtenu au moyen de servomoteurs agissant sur les régulateurs des moteurs Diesel, ainsi que par les contacteurs d'excitation qui règlent le couple moteur des génératrices principales.

Le manipulateur à six crans déjà mentionné, dégagé par un commutateur des connexions avec le pantographe et engagé sur les connexions des groupes Diesel, donne ici les combinaisons suivantes : 1° petit couple (Diesel au ralenti et Diesel à 1 000 t/mn) ; 2° moyen couple (Diesel à 1 000 tours et Diesel à 1 200 tours) ; 3° plein couple sans shuntage des moteurs (vitesse de 30 à 80 km/h), et plein couple avec shuntage des moteurs (80 à 130 km/h) ; les Diesel marchent ici à 1 200 tours, ce qui correspond à peu de chose près à la puissance nominale, et constitue le régime régulier, mais un cran spécial permet de réaliser la marche à 1 300 tours, donnant la pleine puissance.

Un autre cran permet de marcher à cette même vitesse pendant les démarrages difficiles, pour obtenir alors le maximum d'effort aux jantes, permis par l'adhérence.

Moteurs Diesel. — Les moteurs Diesel à 6 cylindres et à injection mécanique, construits par la Société Alsthom, sont du type Ganz-Jendrassik, décrit en détail dans le Génie Civil du 28 août 1937.

Les radiateurs de refroidissement de l'eau des chemises de cylindres et de l'huile des moteurs Diesel sont ventilés par quatre groupes motoventilateurs, et sont dissimulés sous le châssis. Un thermostat agit de façon que la température de l'eau reste comprise entre 50 et 65° l'hiver, entre 60 et 75° l'été.

Les circuits auxiliaires (éclairage, contrôle, groupe compresseur de freinage, pompes de la chaudière de chauffage, démarrage des moteurs Diesel par les génératrices principales fonctionnant alors comme moteurs) sont alimentés par une batterie de 54 éléments au cadmium-nickel, de 145 Ah, rechargée par les excitatrices (en marche Diesel) ou par un groupe spécial (en marche sous pantographe).

Chauffage. — Au lieu de chauffer l'autorail par une combinaison de radiateurs à gaz d'échappement (marche Diesel) et de radiateurs électriques (marche sous pantographe) on a préféré installer une chaudière à vapeur capable de chauffer l'autorail avant les mises en circulation, ainsi que sa remorque éventuelle.

C'est une chaudière à circulation forcée, chauffée au gas oil, et fournissant jusqu'à 120 kg de vapeur par heure ; son groupe d'alimentation comprend deux pompes entraînées par un seul petit moteur électrique, qui reçoit, comme nous l'avons dit, le courant de la batterie auxiliaire. La circulation de la vapeur se fait en circuit fermé, de façon à dépenser très peu d'eau et à ne pas entartrer les tubes de la chaudière.

Freinage. — Le freinage est assuré normalement par un frein à air comprimé du système Jourdain-Monneret, automatique et modérable, qui agit sur chaque roue par deux sabots ; il s'adapte au frein Westinghouse des remorques. Le freinage d'urgence résulte de l'action de patins électromagnétiques (deux par bogie) de lm 25 de longueur, suspendus aux boîtes d'essieu.

Enfin, le frein de manœuvre est actionné à la main par un volant placé dans chaque cabine de conduite.

ESSAIS. — Après l'essai au banc des moteurs, qui a donné, au régime nominal (1 300 t/mn, 250 ch) une consommation par cheval-heure de 178 g de gas oil et 4g 8 d'huile de graissage, les deux autorails ont été achevés et mis en essais sur rails au début de 1939, dans la région de Tarbes, où on rencontre des lignes en pente 4 % et même davantage ; le mémoire précité de M. Garsonnin en donne les résultats sous forme de tableaux et de graphiques.

Ensuite, les autorails ont été mis en service régulier sur les lignes Bordeaux-Bergerac et Bordeaux-Périgueux, respectivement électrifiées de Bordeaux à Libourne et de Bordeaux à Coutras ; la vitesse autorisée sur ces parcours atteint 130 à 140 km/h, suivant les cas.

J.L.

 
LE GÉNIE CIVIL • 4 MAI 1940
 
(1) Voir notamment les numéros des 23 et 30 novembre 1935, des 25 avril, 9 mai et 6 juin 1936, des 24 juillet, 7 et 14 août 1937, et du 16 juillet 1938.
 
(2) Voir, dans le Génie Civil du 11 novembre 1939 : Le développement de l'électrification des chemins de fer dans le monde.
LES AUTORAILS TYPE ALSTHOM-SOULÉ DE LA S.N.C.F.
RÉFÉRENCES