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VERS LA VICTOIRE... DÉCEMBRE 1918

LES LENDEMAINS - RECONSTRUCTION ET PROJETS

PARIS-GARE DE LYON - MONUMENT AUX MORTS
12/11/2018 • 13:02 • PARIS-GARE DE LYON (75) • 48.844167, 2.374444

“ LES CHEMINS DE FER PENDANT LA GUERRE (1914-1918)  ”
par M. Marcel Peschaud,
Secrétaire général de la Compagnie du Chemin de Fer d'Orléans

...

“ Mesures prises pour la reconstitution du matériel roulant. — … Différentes mesures ont déjà été arrêtées par les administrations des réseaux pour l’activer et la faciliter. C’est ainsi qu’elles ont pris le parti de recourir, dans la plus large mesure, à l’industrie privée pour la remise en état du matériel roulant. Si cette aide n’a pas été aussi efficace qu’on le souhaiterait pour la réparation des locomotives et des voitures à voyageurs, il a déjà donné des résultats appréciables pour la réparation des wagons, ainsi que cela résulte des déclarations récentes de M. le Ministre des Travaux Publics.

« La loi du 10 janvier 1919 disait M. Claveille (séance du 10 mai 1919) m’a permis d’insister de la façon la plus pressante auprès de tous les réseaux pour que les réparations du matériel roulant soit confiées sans retard aux ateliers de l’industrie privée ou de l’État. En fait on a donné des locomotives et des véhicules à réparer à tous ceux qui ont bien voulu se charger des réparations. Je puis affirmer aujourd’hui qu’une œuvre considérable est entreprise pour la réparation du matériel ».

Pour hâter la réparation du matériel, deux grands réseaux, ceux du P.-L.-M. et de l’Orléans, sont entrés récemment dans une voie nouvelle constituant, avec trois grandes sociétés de construction, une société pour la réparation de leur matériel.

Il convient de citer, dans un ordre d’idées analogue, une autre initiative prise par quatre de nos grands réseaux, ceux de l’État, du P.-L.-M., du P.-O., du Midi, en ce qui concerne la construction du matériel roulant. Depuis longtemps on avait critiqué la diversité des types de matériel et réclamé leur unification. Au cours de l’année 1918 des études ont été poursuivies dans ce sens par les réseaux, à la diligence du Ministère des Travaux Publics ; elles ont abouti aux résultats ci-après. En ce qui concerne les rails, les commandes nouvelles seront limitées à trois types : le rail de 46 kil. au mètre courant pour les voies normales à grande circulation ; le rail de 36 kil. pour les voies normales à moyenne et faible circulation ; le rail de 26 kil. pour les voies d’un mètre d’intérêt général.

En ce qui concerne les types de matériel roulant, l’unification porte : a) sur les organes élémentaires (suspension, ressorts, bandages, essieux, attelages, appareils de choc et de traction, boîtes, organes de freinage) entrant dans la constitution des unités complètes ; b) sur les unités complètes (locomotives, voitures et wagons) suivant un nombre minimum de types se différenciant uniquement par leur adaptation respective aux différents besoins de l’exploitation, mais non par les réseaux sur lesquels ils doivent être employés.

Entrant plus avant dans la voie de l’unification, les grands réseaux indiqués ci-dessus viennent de constituer un bureau d’études commun qui permettra de réaliser des simplifications dans les services de cette nature des réseaux intéressés, d’obtenir l’unité des types et par là une meilleure exploitation et un entretien plus facile.

Nous ne pouvons passer sous silence une autre initiative de nos grands réseaux. On sait qu’avant la guerre l’industrie française n’était pas en état de fournir aux réseaux tout le matériel dont ils avaient besoin, surtout en de qui concerne les locomotives. Par suite nous étions obligés de passer des commandes à l’étranger, ce qui n’allait pas sans soulever, chaque fois, des protestations, notamment de la part de nos constructeurs. Grâce au développement de l’outillage de la grande industrie mécanique pendant la guerre, on peut espérer que celle-ci sera dorénavant mieux en mesure de satisfaire aux besoins de nos réseaux. Mais il n’est pas possible que ceux-ci soient obligés de subir la loi des constructeurs si les prix demandés par eux sont notoirement exagérés par rapport aux conditions du marché. Pour concilier les intérêts en présence, les grands réseaux ont passé avec les constructeurs une convention d’après laquelle les commandes de matériel seront en principe réservées aux constructeurs français. Lorsque le réseau n’aura pu s’entendre avec les constructeurs au sujet des prix, il sera procédé à un arbitrage dans des conditions qui ont été déterminées par la convention.

Ce n’est qu’après l’arbitrage que le réseau pourra s’adresser à l’étranger s’il n’accepte pas la décision de l’arbitre. Cette convention facilitera la tractation entre les grands réseaux et les constructeurs, elle mettra fin à bien des difficultés. Tout en réservant aux constructeurs français un droit de préférence, elle maintient, dans des limites équitables, la faculté pour les réseaux de s’adresser à l’étranger.

Entretien et remise en état des voies et des installations des réseaux. — Si les réseaux n’ont pas éprouvé autant de difficultés d’exploitation du fait de l’état des voies que par suite de l’usure du matériel roulant, il faut reconnaître cependant que les voies et les installations de toute nature qu’exigent la sécurité et la régularité de l’exploitation réclament, pour leur mise en état, un effort non moins considérable que le matériel roulant. Ce ne sera pas l’œuvre d’un jour ; mais déjà nos réseaux ont pris toutes les dispositions utiles pour hâter l’exécution du programme des travaux nécessaires.

Il y a d’abord à refaire le tiers de l’ensemble des réseaux du Nord et de l’Est détruit par l’ennemi.

Toutes les installations de chemin de fer comprises entre la ligne extrême du front, en 1918, jusqu’à la frontière, ont été dévastées, en majeure partie, d’une façon systèmatique.

Les Allemands ont fait sauter tous les ponts et ouvrages d’art et on détruit non seulement les voûtes ou les tabliers métalliques, mais les piles et les culées jusque dans leurs fondations. Ils ont fait sauter tous les aiguillages et ont été jusqu’à détruire la voie courante, en la mettant, le plus souvent, dans un état tel qu’il n’y a plus qu’à déblayer complètement la plateforme pour la remplacer.

Tout le matériel, l’outillage et les approvisionnements des gares de la région envahie ont été détruits ou enlevés.

Pour l’ensemble des réseaux du Nord et de l’Est, M. Claveille, dans son rapport au Président de la République en date du 13 mars 1919, fixait la longueur des lignes détruites ou endommagées à 2.901 kilomètres et la longueur des voies simples à 5.600 kilomètres, soit le tiers de la longueur totale exploitée en 1913 par ces deux réseaux. 1.510 ponts, 12 tunnels, 590 bâtiments et 150 réservoirs d’alimentation ont été détruits.

Les ateliers de construction et de réparation de machines, voitures et wagons à Hellemmes, (près de Lille, réseau du Nord) ont été vidés de leur outillage et de leurs approvisionnements. Les ateliers de Tergnier, Lens, Amiens, Épernay, Roye, Mohon ont été mis hors d’usage, définitivement ou pour longtemps. Tous les dépôts de locomotives situés dans la zone occupée par l’ennemi ont été totalement ou partiellement détruits. En somme les organes vitaux du chemin de fer ont, sur le réseau du Nord, et, dans une moindre mesure, sur le réseau de l’Est, été mis hors d’usage.

La signalisation de toute la zone occupée par l’ennemi avait disparu lorsque cette zone a été réoccupée ; tous les postes d’enclenchement dans cette zone ont dû être reconstruits ; les lignes télégraphiques ne formaient plus qu’un amas informe de fils.

Pour le rétablissement des lignes, les travaux ont été divisés en deux phases : la remise en état, permettant d’établir la continuité du rail, a été confiée aux troupes de sapeurs de chemins de fer, encadrant des bataillons territoriaux et la main-d’œuvre auxiliaire ; la reconstruction proprement dite a été laissée aux soins des services de la voie des réseaux et aux entrepreneurs spécialistes qui leur prêtent leur collaboration.

Grâce à l’activité des uns et des autres, la réfection des voies est très avancée déjà. Le 1er février dernier, sur 2.901 km détruits, 2.155 étaient rétablis, soit 75 %; depuis lors le travail à faire sur le dernier quart a été a peu près terminé et la circulation a pu être reprise dans des conditions satisfaisantes sur la plupart des voies. Il convient de na pas oublier de rendre justice au concours que nous ont prêté, dans cette œuvre, les armées du Royaume-Uni et des États-Unis.

Dans un nouveau rapport, en date du 6 juillet 1919, M. Claveille pouvait faire les satisfaisantes constatations suivantes en ce qui concerne les mesures prises pour la remise en état des voies ferrées saccagées par l’ennemi. « Sur le réseau du Nord, à la date du 1er juillet, sur 583 kilomètres de lignes à double voie et sur 521 kilomètres de ligne à voie unique, 569 kilomètres de lignes à double voie et 513 kilomètres de lignes à voie unique ont été rétablis. Il ne reste donc plus à rétablir que 14 kilomètres de lignes à double voie et 8 kilomètres de lignes à voie unique, soit environ 1 % de l’ensemble des réparations imposées par les destructions de l’ennemi. L’exploitation a pu reprendre sur presque toutes les lignes (sauf sur 166 kilomètres) et 15 gares seulement restent à rétablir. La réparation définitive de 1.180 ponts et des 5 tunnels détruits se poursuit activement. Des ponts provisoires ont été posés sur les culées et piles déjà rétablies définitivement, en attendant la livraison des ponts métalliques.

Sur le réseau des mines, il y avait 230 kilomètres de voies à réparer au moment de l’armistice ; actuellement, 125 kilomètres de lignes sont rétablies, le reste est en cours d’exécution.

Sur le réseau de l’Est, au 1er juillet 1919, et depuis l’armistice, on avait réparé : 721 kilomètres de lignes à double voie, 513 kilomètres de lignes à voie unique. Il reste à rétablir, 175 kilomètres de lignes à double voie et 54 kilomètres de lignes à voie unique, soit environ 10 % des réparations totales.

L’exploitation a été reprise partout sauf pour 42 gares.

Les réparations de certaines sections des lignes sur le réseau de l’Est présentent des difficultés particulières en raison de l’importance des ouvrages d’art détruits.

Sur la Meuse, il a fallu attendre la fin de la crue qui a duré jusqu’au milieu de mai pour être fixé sur la nature exacte des destructions des culées et piles des ponts.

Sur l’ensemble des réseaux reconstitués, on a pu assurer progressivement un trafic relativement important. »

Pendant la guerre on avait dû déséquiper certaines lignes ou certaines voies et transporter leurs rails sur le front. Leur rééquipement est en cours.

Signalons encore ici une intéressante initiative de nos réseaux. Pendant la guerre, ceux-ci avaient éprouvé de grandes difficultés à se procurer des traverses en bois pour les voies. L’état déplorable de nos forêts, à la suite de l’exploitation intensive et mal réglée dont elles viennent d’être l’objet, ne permet pas d’espérer une amélioration prochaine à la situation dont nos réseaux ont souffert. Pour y remédier dans la mesure du possible, ils viennent de constituer une société pour l’exploitation des forêts de nos possessions africaines. En même temps qu’elle procurera à nos réseaux des facilités dont ils ont besoin, cette initiative favorisera la mise en valeur de nos colonies. À ce double titre on ne peut que l’approuver.

Électrification des réseaux. — Nos grands réseaux, du moins ceux d’entre eux qui y étaient intéressés par la topographie des régions qu’ils desservent, ont également étudié pendant la guerre le problème de l’électrification d’une partie de leurs lignes, opération si désirable lorsqu’on songe à la nécessité où se trouve la France d’économiser la plus grande quantité possible de combustibles.

Le programme arrêté comporte l’électrification de 8.400 kilomètres de lignes ainsi réparties :

Midi 3.100 km sur 4.062 76 %
P.-L.-M. 2.200 km sur 9.720 23 %
P.-O. 3.100 km sur 7.787 40 %

Les sources d’énergie envisagées sont les suivantes :

  • pour le Midi, les Pyrénées ;
  • pour le P.-L.-M., certaines chutes spéciales du Plateau Central et des Alpes ;
  • pour le P.-O., la Haute-Dordogne et ses affluents.

La dépense envisagée est la suivante, d’après les prix d’avant-guerre :

Midi 465 millions
P.-L.-M. 740 millions
P.-O. 470 millions
Soit au total 1.675 millions

L’économie de charbon serait de 1.500.000 tonnes par rapport au trafic de 1913 ; elle ne paraît pas devoir être inférieure à 3 millions de tonnes dans un avenir rapproché.

Lignes nouvelles. — En dehors des travaux de gares et des ouvrages d’un caractère militaire, il a été construit, pendant la guerre, dans les régions du Nord et de l’Est, 1.658 kilomètres de lignes nouvelles, dont 1.612 à voie normale.

Indépendamment des lignes nouvelles dont la construction avait été prévue avant la guerre et qui vont être entreprises ; deux grandes opérations sont à l’étude, qui ont déjà recueilli l’avis favorable du Conseil supérieur des Travaux Publics et fait l’objet d’une décision ministérielle ;

1° l’amélioration des relations par voie ferrée entre la Suisse et l’Océan, amorce de la ligne du 45° parallèle, qui assurera des relations directes entre l’Océan, la France, l’Italie, la Yougo-Slavie, Bucarest, Odessa, avec embranchement vers Athènes et Constantinople, sans emprunter les territoires allemand et autrichien ;

2° l’établissement de nouvelles traversées des Vosges, permettant de meilleures relations avec l’Alsace, par la liaison de la ligne Remiremont à Bussang à la ligne de Kruth à Mulhouse, au moyen d’une jonction partant de St Maurice et aboutissant à Wesserling, et par la construction d’une ligne allant de St Dié à Saales.

Sans attendre l’amélioration des relations entre Bordeaux et Lyon, un train international, le nouvel Orient-express, a déjà été mis en marche entre Paris et Trieste, avec une branche de Bordeaux à Lyon.

On projette également la construction d’une nouvelle ligne entre Rouen et le Havre.

Enfin, grâce à l’adhésion du gouvernement britannique, qui paraît maintenant acquise, on peut espérer que la grande œuvre du Tunnel sous la Manche, qui provoquera un développement important dans les relations d’affaires entre la Grande-Bretagne et le continent, spécialement avec la France, ne tardera pas désormais à être entreprise. ”

...

DÉCEMBRE 1918
Dimanche 1er
  • À Berlin, des comités révolutionnaires d'ouvriers-soldats sont créés.
Vendredi 6
  • L'Assemblée nationale d'Alsace-Lorraine déclare que ces provinces font partie d'une façon indiscutable de la France.
Samedi 7
  • Plus de 2 000 avions allemands sont remis aux Alliés.
Dimanche 8
  • Le président de la République, Raymond Poincaré, les maréchaux Joffre, Foch et Douglas-Haig font leur entrée dans Metz.
Lundi 9
  • Poincaré arrive à Strasbourg, à Colmar et à Mulhouse.
Mercredi 11
  • Les troupes britanniques débarquent à Kiel.
Jeudi 12
  • À Moscou, les généraux Rouski et Radko-Dimitriev ont été fusillés.
Vendredi 13
  • Les Alliés occupent les têtes de pont de Cologne, Coblentz, Mayence.
  • L'armistice est prorogé jusqu'au 17 janvier.
Samedi 14
  • Le président Wilson arrive à Paris.
Dimanche 15
  • À Constantinople, les troupes allemandes venant de Syrie, se rendent aux Alliés.
  • À Lisbonne, Sidónio Pais, président de la République portugaise, élu le 28 avril 1918 est assassiné.
Lundi 16
  • En Roumanie, Ion I. C. Brătianu reprend le pouvoir.
Mardi 17
  • À Lisbonne, l'amiral Canto di Castro est élu président de la République.
Jeudi 19
  • Victor-Emmanuel III à Paris.
  • Le maréchal Joffre est reçu à l'Académie française.
Dimanche 22
  • Les Alliés ont pris possession de la rive droite du Rhin.
Jeudi 26
  • À Paris, le gouvernement déclare que le total des tués, disparus, prisonniers est de 1 831 600 hommes.
Vendredi 27
  • Le président Wilson arrive à Londres.
Samedi 28
  • À Berlin, des combats se poursuivent.
Mardi 31
  • À Berlin, M. Ebert prend la présidence du Conseil.
RÉFÉRENCES