Index
Suivante
Précédente
LES CHEMINS DE FER À PARIS - LA GARE DE L'OUEST (RIVE DROITE) EN 1868 PAR MAXIME DU CAMP - PARTIE V / XI

 

Embarcadère de Paris (place de l'Europe) pour Saint-Germain en 1837
Embarcadère de Paris (place de l'Europe) pour Saint-Germain en 1837 [*]

“ La partie de la gare réservée au public, partie extérieure, est sans cesse dans une animation excessive. Ce qui s'y passe, chacun le sait : on prend un billet, on fait peser et inscrire son bagage, on se rend dans une salle d'attente correspondant à la ligne sur laquelle on doit voyager et à la classe de wagons que l'on a choisie. Ces salles, gardées par des agens qui vérifient votre billet, sont spacieuses, garnies de sièges plus solides qu'élégans, et maintenues en hiver à une température égale par de nombreuses bouches de chaleur. L'industrie s'en est emparée, et, grâce à une redevance assez faible, elle a le droit de tapisser les murs de cadres contenant des affiches et des annonces. La gare intérieure, celle qui est consacrée au départ et à l'arrivée des trains, commence au quai, sur lequel s'ouvrent à larges battans les portes des salles d'attente, et s'arrête au souterrain qui passe sous le boulevard des Batignolles. Elle a plusieurs gares d'évitement on appelle ainsi une voie latérale supplémentaire où un train peut se ranger momentanément, si, par suite d'une circonstance fortuite, la voie normale qu'il parcourt est occupée. La gare de la rive droite a un inconvénient qui est inhérent à sa destination spéciale, et que rend inévitable son service de banlieue. Dans une gare bien distribuée (celle de Paris-Lyon est, je crois, la plus parfaite), les salles d'attente s'ouvrent latéralement sur le quai de départ. Les voyageurs n'ont donc que quelques pas à faire pour se trouver en face de leur voitures et y monter ; mais ce système excellent n'est praticable que pour les trains à longs parcours, qui ont deux, trois, quatre départs au plus dans la journée. Le train se forme quelques instants avant l'heure réglementaire, est amené wagon par wagon et rangé ainsi le long du quai sur la voie qui lui est réservée. Dans une gare qui dessert la banlieue et où les convois se succèdent avec une extrême fréquence (souvent 116 par jour de Paris à Versailles et vice versâ), il ne peut en être ainsi. Les trains composés dès le matin aux deux gares extrêmes, font la navette toute la journée ; celui qui arrive repart presque immédiatement on se contente de détacher la locomotive ; à l'aide d'une plaque tournante, on la met sur une voie parallèle ; elle s'éloigne jusqu'à l'aiguillage, qui la rend à sa voie spéciale, où elle revient, machine en arrière, reprendre la tête de son train. La gare de l'Ouest dessert trois lignes de banlieue toujours en mouvement : Saint-Germain-Argenteuil, Versailles, Auteuil-Ceinture ; le quai de départ et le quai d'arrivée sont les mêmes pour chaque destination. On comprend dès lors qu'à moins de couper les voies elles-mêmes par des bâtiments latéraux contenant des salles d'attente il faut que les portes de dégagement soient situées à l'arrière des trains, et que les voyageurs fassent un trajet relativement assez long pour gagner les voitures. C'est là l'inconvénient majeur, mais forcé de la gare de l'Ouest. A part ce défaut, auquel on ne pense guère, elle est excellente, large, disposée sur un assez grand espace pour que les manœuvres s'y exécutent toujours avec ponctualité et sécurité, abritée sous d'immenses constructions vitrées qui ont donné l'idée première des halles centrales, surveillée par de nombreux employés qui dirigent le public, maintiennent l'ordre et assurent la régularité du service. Dans toutes cette gare du reste, on sent je ne sais quelle impulsion à la fois ferme et rapide qui semble faire mouvoir tous les employés vers un but déterminé et très nettement défini. Il n'y a ni lenteur, ni hésitation, et à travers les complications des trains qui s'entre-croisent à chaque minute on reconnaît une activité sérieusement réglée, qui ne s'égare pas en vains efforts, qui ne fait pas de bruit, mais n'en arrive que plus sûrement à une précision mathématique.

 

La composition des trains, les diverses combinaisons par lesquelles, tout en obéissant à chacune des exigences du service, ils doivent éviter les retards et ne jamais être exposés à aucun accident, incombent au chef du mouvement, fonctionnaire à responsabilité illimitée, fort inconnu du public, qui n'est jamais en rapport avec lui, mais ayant son bureau sur le quai même, afin de pouvoir être prévenu sans délai de tout incident produit sur la voie. Pour être à la hauteur de cette fonction délicate et périlleuse, il faut connaître avec certitude et d'une façon complète non-seulement le chemin, les stations, les embranchemens, mais aussi le matériel qu'on emploie et le personnel auquel on le confie ; il faut en outre être doué d'un singulier esprit de prévision pour ne laisser, sur une ligne exceptionnellement chargée de trains, très souvent parcourue par des convois supplémentaires, comme celle de la banlieue, aucune place à la possibilité d'une erreur pouvant entraîner des désastres. Bien des généraux d'armée qui ont remporté des victoires reculeraient devant une pareille tâche, car ici le combat est incessant. On ne sait jamais par où l'ennemi viendra, et si l'on ne perdra pas la bataille. Quand chaque point a été étudié, quand les instructions les plus précises et les plus méticuleuses ont été données, quand les agents les meilleurs ont été choisis, quand tout a été prévu, il reste encore ce que le hasard tient dans sa main. C'est le chef du mouvement qui est réellement l'âme du chemin de fer : pour mettre cette vaste machine en œuvre, le chef de traction lui fournit les muscles, mais c'est lui qui est le cerveau.

 

Le chef du mouvement indique la marche des trains qui feront le service de la journée, le nombre et l'espèce de voitures qui le composeront, le genre de locomotive qui les remorquera, le nombre d'agens qui les accompagneront. Il spécifie la quantité de wagons à freins qui doivent réglementairement faire partie du convoi. Ces freins, destinés à appuyer latéralement deux sabots sur les roues et par conséquent à diminuer singulièrement la force d'impulsion, sont disposés de manière à être très aisément manœuvrés par les conducteurs soit dans les pentes rapides, soit à l'arrivée aux stations. Sur la ligne de l'Ouest, la moyenne des wagons à frein est de 14 pour 100. On peut donc affirmer qu'un convoi de vingt voitures est toujours muni de trois freins. Dans ces énormes trains de marchandises qui nous paraissent cheminer si lentement et qu'autrefois nulle malle-poste n'aurait pu atteindre, on a soin de donner le chargement le plus lourd aux wagons-freins, pour que la pesanteur, augmentant la force de résistance, rende plus facile l'arrêt ou le simple ralentissement. On a expérimenté sur la ligne d'Auteuil des freins à vapeur mus par la machine elle-même, mais on y a promptement renoncé ; ils procédaient par saccades qui auraient pu avoir des résultats fâcheux. Grâce au sifflet de sa locomotive, le mécanicien est en rapport avec le conducteur, et lui parle un langage convenu auquel celui-ci doit obéir ; deux coups de sifflet très brefs signifient : serrez les freins, un seul : desserrez-les. De plus, comme il faut pouvoir parer à un accident, chaque train est muni d'une boîte de pansement et de certains outils propres à réparer un dégât inopiné et peu considérable ; en outre toute station un peu importante a sous remise un wagon spécial gréé de toute sorte de crics, de pinces, de leviers, prêt à être attelé à la machine de secours et à partir. ”

Aiguilleurs en tenue d'été et en grande tenue
Aiguilleurs en tenue d'été et en grande tenue [*]
 
Mécaniciens en grande tenue et en burnous
Mécaniciens en grande tenue et en burnous [*]
 
Chef de gare Sous-chef de gare
Chef de gare Sous-chef de gare
   
Sous-Inspecteur Employé aux recherches
Sous-Inspecteur Employé aux recherches
   
Employé-enregistrant Lampiste
Employé-enregistrant Lampiste
   
Surveillant-chef Surveillant-Interprète
Surveillant-chef Surveillant-Interprète
   
Facteur-chef Sous-facteur
Facteur-chef Sous-facteur
   
Conducteur-chef Conducteur d'arrière
Conducteur-chef Conducteur d'arrière [**]
RÉFÉRENCES